samedi 3 janvier 2009

Le bonheur est-il possible? -- partie 6

Dans les textes de l'Inde, il y a d'innombrables histoires sur les limitations du bonheur en ce monde. Peu importe notre condition en ce monde, du plus riche au plus pauvre, le bonheur est très difficile à obtenir.

Dans un des Upanishads, Taitria Upanishads, on décrit une personne qui aurait une très grande richesse sur cette planète comme étant un empereur qui aurait un grand royaume, une grande renommée et tous les bénéfices qui viennent avec son titre. On appelle cela une unité de bonheur.

Mais c'est écrit aussi que le bonheur est dix fois plus grand que cette richesse matérielle, pour les gandarvas qui sont comme les anges vivant dans des planètes supérieures et qui ne sont pas limités par le corps matériel que nous avons en ce moment. Leur bonheur est beaucoup moins limité parce que le corps apporte constamment des souffrances. Lorsqu'on n'est pas limité par le corps, on a aussi plus de sagesse, plus de connaissance et moins de souffrance.

Un bonheur dix fois plus grand que les gandarvas est celui des devas inférieurs. Les devas c'est comme des différents Dieux (de l'eau, de la terre, de tout ce qui existe, il y a une divinité derrière). Ce sont des esprits très puissants qui peuvent contrôler les différents aspects de la matière.

Encore dix fois plus grand que le bonheur des devas inférieurs est celui des devas supérieurs qui sont en charge des planètes comme la lune, le soleil, le vent, la pluie.

Dix fois plus grand que le bonheur des devas supérieurs, le bonheur d'Indra, le roi de tous les devas, de toutes les divinités matérielles.

Ce qui est bon de savoir c'est que même Indra qui a des centaines de fois plus de capacité que nous d'avoir du bonheur est toujours limité par la peur et l'anxiété. Il a peur de perdre son poste de chef des devas et il a l'anxiété que quelqu'un d'autre plus pieux et plus sage vienne prendre son poste. Même s'il a ce poste depuis plusieurs millions d'années. On se rappelle qu'il n'est pas limité par un corps comme le nôtre. Et même avec ce poste il a toujours peur que quelqu'un d'autre vienne le remplacer. Il y a énormément d'histoires qui vont décrire comment Indra, qui voit un sage faire des austérités ou des pratiques intenses, va essayer de l'empêcher par peur qu'il prenne son poste.

Un vrai yogi en réalité n'a pas du tout l'intérêt de prendre le poste d'Indra. Le vrai yogi veut avoir un bonheur qui est au-delà de ce monde. Il veut un bonheur éternel, qui va durer. Et ce bonheur s'appelle Brahma ananda. C'est-à-dire le bonheur (spirituel) de se fondre dans la forme impersonnelle de l'Absolu (la forme sans forme). Ce bonheur est comparé à des milliers de fois plus grands que le bonheur d'Indra ou même de Brahma (qui est un deva en haut d'Indra).

Pour aller un peu plus loin, Bhagavan ananda, est un bonheur dans lequel le yogi est uni avec la forme personnelle de Dieu. Le bonheur de Brahma ananda, qui est de se fondre dans l'Absolu impersonnel, est comme une goutte comparée à l'océan de bonheur spirituel et éternel que peut apporter l'union avec la forme personnelle de Dieu (Bhagavan ananda).

Ce sont les différentes échelles qui nous sont données pour décrire les différents niveaux de bonheur. Que devons-nous faire pour obtenir le bonheur? Nous avons déjà parlé de la recette qui n'est pas simple : « Moins on recherche notre propre bonheur, plus de chance on a de l'obtenir».

Ultimement le bonheur ne dépend pas de nous. Comme on n'est pas l'Absolu, on ne peut pas décider comment et quand on peut avoir du bonheur. On a beau avoir d'infinies richesses autant qu'Indra mais cela n'est pas suffisant pour l'obtenir. Il ne faut pas penser qu'une grande quantité de plaisir va donner un vrai bonheur.

Le bonheur s'obtient lorsqu'on ne le recherche pas pour nous. Cela veut dire lorsqu'on se libère de l'égoïsme. Et plus on est libéré de cet égoïsme, plus on a de chance d'avoir du bonheur.

Je regardais dernièrement un reporter de magazine qui faisait une interview avec Mère Teresa et qui voyait comment toutes les femmes qui travaillaient avec elle à aider les lépreux et les gens les plus démunis en Inde, manifestaient toutes un très grand bonheur. Le reporter disait à Mère Teresa : «Je n'ai jamais vu autant de bonheur dans ma vie. Est-ce que c'est un bonheur véritable ou vous faites seulement semblant d'être heureuse? Parce que je n'ai jamais vu des gens qui étaient aussi heureux que vous». Mère Teresa a répondu : «on n'est pas là pour faire semblant, cela vient tout naturellement. Lorsqu'on ne recherche pas notre plaisir mais le plaisir des autres, on a un grand bonheur».

Cela est un principe du yoga surtout dans le karma yoga qui est d'agir, pas pour nous, mais pour le bonheur des autres et le bienfait des autres. Un infirmier dans un hôpital peut faire du karma yoga. Cela veut dire qu'il va travailler sans avoir de bénéfice pour lui mais un bénéfice allant aux autres.

Et il y a une autre forme de yoga qui va un peu plus loin. C'est le bhakti yoga qui est le même genre que le karma yoga, le travail fait pour le bénéfice des autres mais qui est plutôt centré sur Dieu. C'est l'égoïsme le plus minimal parce que même quand on dit qu'on veut le faire pour les autres, souvent, inconsciemment, on le fait pour nous-mêmes.

Lorsqu'on fait une pratique ou une discipline spirituelle, on essaie de se centrer sur Dieu. Peu à peu l'égoïsme diminue et l'action devient plus véritable (faite pour le bénéfice des autres).

C'est souvent un très long cheminement spirituel d'apprendre un yoga qui est suffisamment élevé pour arriver à se détacher de nos résultats. Mais on peut déjà tout de suite commencer en comprenant un des principes que j'ai déjà énoncé. Un des secrets des yogis c'est que la source des souffrances est dans la recherche égoïste de réaliser le moindre de nos désirs. En sanskrit on dit «kama duhkha atmakam». Duhkha, c'est la souffrance. Duhkha atmakam veut dire l'âme de la souffrance.

Le kama (convoitise) est le plaisir que l'on recherche pour soi. L'âme de ce plaisir égoïste est la souffrance. Cela veut dire que le plaisir matériel est un bel emballage à l'intérieur duquel il y a une souffrance future obligatoire. Il ne faut pas se fier aux apparences.

On a d'innombrables histoires en Inde de personnes qui sont malfaisantes que l'on appelle «asura». Ceux qui veulent accumuler un maximum de désirs pour eux au détriment des autres. Ils sont près à tout, à voler, à tuer, ou à déranger les autres pourvu qu'ils puissent obtenir leur propre plaisir. Ils sont prêts à tout faire et même se déguiser en saint homme ou en sage pour pouvoir mieux tricher les autres.

Il ne faut pas se faire tricher par les déguisements extérieurs. De la même façon «kama duhkha atmakam» cela veut dire que le plaisir égoïste est une souffrance déguisée. C'est juste une question de temps. Cela peut prendre quelques temps, quelques secondes, quelques jours ou quelques années avant que ce plaisir se change en grande souffrance.

Par exemple, la drogue et la boisson peuvent donner du plaisir immédiat (ne pas confondre avec bonheur) mais très rapidement il peut y avoir une grande souffrance et cela va donner également de la souffrance autour d'eux.



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