mardi 18 août 2009

Les difficultés de lâcher prise - partie 4

SRADDHA

Pour continuer à augmenter votre désir de vaincre les obstacles, je vais continuer à décrire les autres choses qui nous empêchent de bien lâcher prise. Il faut connaître nos ennemis pour combattre efficacement. Il y a des choses qui font grossir notre ego, qui nous fait vouloir tout contrôler et qui nous fait vouloir les choses selon notre faux moi.

Sraddha peut être un autre obstacle au lâcher prise. Ce mot sanskrit se traduit difficilement. Cela veut dire « foi », mais cela ne veut pas dire seulement foi. Dans notre vocabulaire mondain on dit « foi » pour dire qu’on croit à Jésus ou croire à quelque chose qui n’existe pas.

Le vrai sens de sraddha est ce en quoi on croit. Cela veut dire qu’il y a plusieurs sortes de foi. Le matérialiste qui croit qu’il n’y a que la matière qui existe; on dira qu’il a foi dans la matière. Il pourra dire qu’il n’a pas la foi qu’il est dans la science. Il y a plusieurs niveaux de science, comme il est expliqué dans l’épistémologie (savoir comment savoir) , il y a la science spirituelle qui est le yoga, par exemple où on expérimente sur des choses intérieures. Et la science matérielle qui manipule la matière. C’est une science inférieure parce que c’est juste à l’extérieur.

Lorsqu’on essaie de deviner celui qui nous tient captif, on essaie de le trouver à l’extérieur alors qu’il se trouve à l’intérieur de nous. C’est nous-mêmes qui nous tenons captif. On dit que c’est une science inférieure car on manipule des choses extérieures. La science supérieure est le yoga où il y a investigation intérieure.

Le matérialiste n’a foi qu’en la matière, c’est sa foi. La foi en la matière crée un attachement à celle-ci. La matière va m’apporter le bonheur que je recherche. Le bonheur que je recherche est à l’extérieur. Plus j’accumule de choses matérielles, plus je vais avoir de bonheur, cela c’est de la foi.

Lorsqu’on essaie de développer la spiritualité en nous, on essaie de se défaire de cette foi matérielle. On ne cherche pas à rêver à une autre foi. On a toute cette foi matérielle fortement ancrée en nous et il s’agit de s’en défaire.

Comment faire pour se défaire ou déloger cette foi matérielle? En essayant de développer une sraddha, une foi spirituelle. Sraddha est non matérielle, c’est quelque chose qui ne s’obtient pas de façon mécanique. On peut l’obtenir en essayant d’appliquer le yoga véritable : c’est-à-dire on écoute et on essaie de comprendre la différence entre ce qui est matériel et spirituel. On essaie de se défaire de cette foi, de notre attachement à ce qui est matériel.

Plus on met notre foi aux choses matérielles plus elle grandit. C’est comme les cinq couches d’ignorance. Derrière la foi matérielle se cache l’espoir. «Ah! J’ai bien espoir de gagner à la loterie, je vais être heureux jusqu’à la fin de mes jours». Est-ce quelqu’un peut lâcher prise avec une foi, un espoir comme cela? On ne peut pas avoir de lâcher prise dans des situations d’espoir car on est dans l’expectative. J’ai bien espoir que la prochaine cigarette va m’apporter la satisfaction que j’ai toujours recherchée. J’ai bien espoir que la prochaine voiture sera plus performante que celle que j’ai présentement.

Le monde matériel continue à tourner grâce à cet espoir égoïste. Mon professeur disait toujours que l’espoir matériel est ce qu’il y a de plus disponible en ce monde, tout le monde en veut constamment. On peut bien se rendre compte qu’expérience après expérience, il n’y a rien de matériel qui réussit à nous satisfaire. On se dit toujours : « le prochain jouet sera le bon. » Cet espoir matériel est dû sur notre foi matérielle. Étant donné qu’on a cette foi on en veut plus. Et plus on en veut plus, on devient attaché.

Nos croyances nous font prendre plus d’emprise. L’espoir nous enchaîne, c’est une autre prise. Il n’y a pas de lâcher prise quand il y a de l’espoir matériel. Il y a un exemple qui est donné dans le 11ième canto du Bhagavat-purana qui raconte qu’un sage démontrait comment il s’inspirait de la nature et des animaux (arbre, poissons, éléphants…) et comment ils pouvaient être nos gurus.

Il expliquait qu’un éléphant pouvait être notre guru. Est-ce que vous avez des éléphants comme guru? Une des activités de l’éléphant est de prendre son bain dans le Gange, un fleuve sacré de l’Inde. Puis en sortant du Gange, il va se mettre de la boue sur lui avec sa trompe. Est-ce que vous feriez comme lui? Personne n’oserait le faire. Vous faites bien de ne pas faire comme lui.

Le problème c’est que tout le monde fait comme lui. Par exemple quelqu’un va à la confesse pour se confesser de ses péchés et tout de suite en sortant de la confesse il va retourner à la taverne pour prendre un coup. Après il va retourner à la confesse en disant : « mon cher prêtre j’ai encore péché, j’ai trop bu. » Cela explique qu’en ayant une mentalité matérielle, on va toujours faire les choses qu’on ne devrait pas faire malgré nous.

Cela veut dire qu’on peut se répéter sans arrêt qu’on veut arrêter de fumer et on continue quand même de retourner à la cigarette, on va se resaouller même si on a fait un bon vœu du début de l’année. On va le refaire encore et encore comme l’éléphant. Ce sont les techniques d’enseignement qu’utilisent les sages. Au lieu de s’adresser à la personne directement, on donne des exemples venant de l’extérieur. «Les éléphants sont comme cela, ils ont l’air fou». Mais regardez bien on fait tous pareils. C’est un peu gênant mais on est comme cela.

Une autre caractéristique de l’éléphant c’est son attachement à la sexualité. Lorsqu’il entend le bruit d’une femelle, le mâle est prêt à détruire la forêt au complet pour se rendre à la femelle.  Quel est le moyen le plus efficace pour capturer un éléphant? Les chasseurs se servent de sa faiblesse pour la sexualité. Ils reproduisent le son d’une femelle en chaleur. Lorsque le mâle entend le bruit de la femelle il ne se dit pas qu’il va lâcher prise. Il se dit je vais contrôler la situation, les Dieux sont favorables envers moi, je vais me rendre tout de suite aider la femelle en détresse. Il se met à courir et sur son chemin les chasseurs ont creusé un énorme trou qu’ils ont recouvert d’herbe. Dans sa course folle l’éléphant est pris au piège.

C’est de la même façon on se fait capturer par l’illusion matérielle. Il y a des choses extérieures qui nous semblent très intéressantes et on court pour l’obtenir et on se fait capturer. Alors voilà un enseignement venant d’un des vingt-quatre gurus.

En Inde la prostituée est souvent utilisée dans l’enseignement aux disciples. C’était l’histoire de la prostituée qui attendait son client depuis des heures. Elle s’est dit qu’elle était tannée d’attendre: «Je ne veux plus rien savoir de ce client» et elle est devenue détachée, elle a lâcher prise. Elle s’est dit pourquoi espérer obtenir du plaisir et de l’argent de cette personne. Elle pensait que ce n’était pas la bonne façon d’espérer avoir du plaisir. Mais tous les soirs elle espérait rencontrer un client très riche qui viendrait la voir et qui réussirait à lui donner le plaisir escompté. Mais cela n’arrivait jamais; elle n’était jamais satisfaite. Le sage dit «il faut comprendre que l’espoir est comme ça; cela ne satisfait jamais». Cet espoir matériel qu’on a en nous est comme une prostituée. L’espoir est comme la prostituée, il nous maintient dans le monde matériel croyant que la prochaine fois sera la bonne. L’espoir nous rend toujours insatisfait et nous empêche de faire le lâcher prise. La seule façon de s’en débarrasser c’est encore de façon spirituelle. Il faut avoir un espoir qui soit spirituel. Tant qu’on n’a pas d’espoir spirituel, on va vouloir avoir de l’espoir matériel.

The voice in my head doesn't want to leave me alone! par joganelken
 
NATURE DÉMONIAQUE

Est-ce que vous avez une nature démoniaque? Qu’est-ce que la nature démoniaque? C’est un mot qui choque. On va prendre le mot sanskrit qui est plus détaillé et qui donne une meilleure définition.

Il y a deux natures qui sont décrites au chapitre 16 de la Bhagavad-gita.  La nature sura (nature divine) qui veut dire aussi comme le soleil, c’est lumineux, ce sont les belles qualités: la générosité, l’honnêteté, la véracité. L’autre nature, c’est asura. Ce sont les autres qualités: non lumière. Les qualités noires: l’avidité, la colère, l’agressivité, la paresse, l’égoïsme…

Aussitôt qu’on a un corps matériel, on a les deux natures (sura et asura). Même le pire des hommes a de bonnes qualités et le meilleur des hommes a de grands défauts. Ce n’est pas rare de rencontrer de grands génies qui ont des défauts énormes et gigantesques. On a par exemple le scientifique fou qui est très brillant mais qui ne se rappelle pas où il a mis ses souliers.
FOI POR VOCÊ par Edson Costa

On a tous ces deux natures. Dans l’histoire védique, cela se reflète aussi à l’extérieur. Souvent on va voir ces natures transparaître des gens que nous côtoyons. Il y a des saints qui ont des qualités divines très développées et qui vont être très manifestées à l’extérieur. Il y a ceux qu’on va appeler les non-saints, asura (nature démoniaque), qui vont manifester de très mauvaises qualités à l’extérieur. Dans l’histoire de l’Europe, on a connu Hitler, le genre de personne qui détruit tout sur leur chemin. Ces personnes vont montrer vraiment beaucoup de ces qualités noires.

Dans les histoires de l’Inde, on a les devas qui sont les suras, c’est-à-dire les 33 millions de devas qui ont en charge de bien faire fonctionner la nature. Le Dieu de la pluie, le Dieu du soleil, le Dieu du vent… Eux sont les bons. Les asuras sont les mauvais, les êtres démoniaques qui veulent tout contrôler. Ils veulent être les princes de tout, ils veulent conquérir tous les royaumes.

Quelques fois ils veulent prendre la place des devas. Et quelques fois ils réussissent. Ils vont détrôner Indra qui est le roi des devas, tous les devas devront aller ailleurs pendant que les démons vont contrôler tout le reste de l’univers. Lorsque cela arrive, c’est de la souffrance pour tout le monde.

Que faut-il retenir de ces natures? C’est de prendre conscience lorsque notre nature démoniaque prend le dessus. Lorsque notre nature nous pousse à vouloir tout contrôler ou garder tout pour nous-mêmes: alors c’est l’égoïsme, l’avidité ou l’agressivité qui s’emparent de nous et qui transparaissent à travers nos actes et paroles. Lorsque cette nature démoniaque prend le dessus, on cause des problèmes autour de nous et à nous-mêmes.
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Nous avons tous en nous, à différents degrés, cette nature qui veut remonter à l’occasion. Souvent cela apparaît quand on ne veut pas mais ce sont des choses qui sont cachées à l’intérieur de nous. On a tous ces tendances. Lorsqu’on entend les histoires de l’Inde au sujet des devas et des asuras (les bons et les méchants), c’est pour nous montrer qu’on a tout cela en nous.

Au début de la pratique on tente de s’identifier aux bons. La personne peut avoir les pires défauts du monde mais elle cherche à s’identifier aux bons. Peu à peu, surtout lorsqu’on commence une pratique spirituelle sérieuse et qu’on regarde vers l’intérieur, on voit alors toutes nos mauvaises qualités faire surface. L’introspection nous les fait voir et cela nous fait très peur. Qu’arrive-t-il très souvent? La personne qui commence la pratique de la méditation croit qu’elle est pire qu’avant. Elle essaie d’être plus spirituelle et elle a l’impression de régresser car elle voit plein de défaut apparaître. Puis elle se décourage, elle se dit qu’elle ferait mieux de retourner à la taverne prendre une bière et une cigarette.

Quand on pratique la méditation sérieuse et les choses spirituelles, il est mieux d’avoir un bon maître ou une personne expérimentée qui peut nous aider à passer à travers les étapes. Sinon, la plupart du temps les gens se découragent et arrêtent leurs pratiques. Ils ne sont pas prêts à faire face à ces choses.

Nous avons tous la nature démoniaque en nous et on ne veut pas la voir, on fait tout pour ne pas la voir. Lorsqu’on médite, on est obligé de voir la réalité en face et ce qu’on voit est notre nature démoniaque. Qu’on la voit ou pas la nature démoniaque est bien là. Pour la détecter il s’agit de voir si on veut tout contrôler. Comme Hitler qui voulait le contrôle total, son pays n’était pas assez, il voulait tous les autres pays alentour. Et ensuite il aurait voulu le monde si possible. Cela c’est l’égoïsme, on en veut, on en veut plus, on veut tout contrôler, on veut tout avoir pour nous. On a cela en nous.

Le but de la pratique spirituelle sérieuse est de nettoyer toutes ces choses, l’une après l’autre, ces qualités démoniaques : les mauvais samskaras, les anarthas, les attachements, la foi dans les choses matérielles, le mauvais karma…


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